Les origines mexicaines
Comme le disait le Sénateur Hubert Durand-Chastel, lorsque Christophe Colomb découvrit le Nouveau Monde en 1492 il y découvrit au Mexique, en plus de l'or et de l'argent, de nombreux produits alimentaire alors inconnus dans le Vieux Monde, comme la tomate, le dindon, la pomme de terre, le cacao, etc.
Il y découvrit aussi Tecuitlatl que les chroniqueurs de la Conquête espagnole ont décrit comme une étrange nourriture récoltée dans le lac Texcoco. Les habitants montés sur des barques, la recueillaient avec des filets et la faisaient sécher au soleil. Tecuitlatl, veut dire "Produit de la pierre" en nahualt, car la croyance existait alors au Mexique qu'il existait un règne minéral en plus des règnes végétal et animal et que le Tecuitlatl, qui ne pousse que dans les eaux chargées de sels minéraux, en était l'émanation.
Le Tecuitlatl est aujourd'hui appelé spiruline du fait de sa structure hélicoïdale, mais sa taille semi microscopique d'environ 1/4 de millimètre ne permettait pas au XVe siècle de connaître les détails de sa forme. Il s'agit d'une algue bleu-vert, d'une cyanobactérie, très riche en protéines. Elle contient tous les acides aminés essentiels, en particulier ceux qui ne sont pas présents en quantité suffisante dans le maïs, la nourriture par excellence des Mexicains d'alors.
Mais les Conquistadors espagnols méprisant le Tecuitlatl asséchèrent les lacs pour faire des terres cultivables et des pâturages. Son usage diminua peu à peu sans toutefois disparaître complètement.
Après la conquête espagnole, le lac Texcoco fut progressivement asséché et une importante industrie chimique s'y est implantée, Sosa Texcoco. C'est dans les années 1960, qu'Hubert Durand-Chastel, qui était Directeur général de cette entreprise, redécouvrit la spiruline tout à fait par hasard.
Des saumures, eaux salées diluées, étaient extraites du sous sol du lac et concentrée dans un immense évaporateur solaire avant d'être envoyé à l'usine de fabrication de soude pour y être transformées. Avec le temps, la cristallisation du procédé devint de plus en plus laborieuse du fait de la formation de matière organique dans l'évaporateur. Il s'agissait de Tecuitlatl que le docteur Maurice David, pharmacien conseil, baptisa Arthospira, nom ancien de la spiruline.
C'est alors que l'Institut Français du Pétrole (IFP) présenta, au cours du 7ème congrès international du Pétrole qui se tenait à Mexico en 1967, une conférence sur la spiruline consommée au Lac Tchad par les Kanenbous. L'IFP l'avait longuement étudiée dans ses laboratoires de Rueil Malmaison, à la suite des publications de l'ethnologue français Max-Yves Brandily. L'identité de l'Arthrospira mexicaine et de la spirulina tchadienne fut aussitôt reconnue et de cette prétendue nuisance mexicaine, on chercha à obtenir un bien puisque la science lui attribuait d'étonnantes propriétés. Sa production démarra très lentement.
La piste tchadienne
Revenons au lac Tchad, comme les chroniqueurs des conquistadors, Creach, un pharmacien des troupes coloniales française stationnées à Fort Lamy (aujourd'hui N'Djamena) avait été intrigué par des galettes vendues sous le nom de "dihé" sur les marchés de Massakori, un village situé à 50 km du lac Tchad. Il envoie un échantillon de "dihé" ainsi que le mode d'emploi au phycologue Dangeard. Celui-ci l'analyse et fait une présentation à la Société Linéenne de Bordeaux en 1940, mentionnant pour la première fois l'utilisation de la spiruline dans l'alimentation humaine. Publiée en pleine guerre mondiale, le compte rendu de la communication passe inaperçu.
Il faudra attendre 20 ans. Pendant le tournage d'un film au Tchad, deux ethnologues, Max-Yves Brandily et son épouse Monique, s'émerveillent devant la singularité bleu-vert des berges des marigots du Karen et le ballet des femmes allant récolter une sorte de plancton qu'elles font sécher au soleil sur le sable pour en faire des galettes qui seront vendues au marché sous le nom de "dihé".
A son retour en France en 1959 Brandily publie dans Sciences et avenir un article intitulé: "Depuis des lustres, une tribu primitive du Tchad exploite la nourriture de l'an 2000".
Puis, c'est au tour du botaniste belge Jean Léonard, qui participe à l'expédition Transsaharienne belge de 1964-1965, d'être fasciné par la récolte sur les rives du lac Tchad de l'algue bleue par les femmes et le fait que les enfants Kanembous ne souffrent pas de malnutrition. En 1964, Léonard et son collègue Compère déterminent l'espèce spirulina platensis, analysent le dihé et confirment le rapport de Dangeard.
Les premiers développements industriels
La culture de la spiruline n'intéresse en fait pas grand monde avant les années 1970.
La première expérience digne de ce nom revient sans doute au microbiologiste Ripley Fox qui rencontrant Hubert Durand-Chastel au Mexique, découvre la spiruline dans laquelle il voit la solution au problème de la fin dans le monde.
Il décide, dès 1973, de l'exploiter de manière artisanale en Inde, mais les véritables pionniers dans le domaine, sont les Mayas qui la cultivaient sur les terres défrichées de la jungle du Yucatan dans des mares artificielles et des canaux.
La première expérience d'exploitation industrielle a lieu au Mexique par Hubert Durand Chastel à la société Sosa Texcoco en 1976. Il produisait 300 T de poudre de spiruline par an.
Larry Switwer prend la relève en Californie. Il fonde Earthrise Spirulina Company qui devient et reste leader sur le marché.
De nombreuses entreprises ont suivi dans le monde : D'abord aux États-Unis, Japon, Hawaï, puis un peu partout, surtout en Asie.
TechnAp et le développement de la spiruline au profit des PED
Ripley Fox apporta son soutien à la création de TechnAp en 1985 dans le but de faire profiter les Pays En Développement (PED) de Technologies Appropriées.
Dès 1993, convaincue que la malnutrition sévissait dans les pays du Tiers monde, TechnAp concentra son action sur la promotion et la production de la spiruline pour la combattre. Les fermes artisanales de production de spiruline qu'elle a contribué à construire en Afrique subsaharienne ont aujourd'hui une capacité de production supérieure à 10 T/an. On les trouve au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire.
Au delà de ces pays, des actions d'éducation nutritionnelle et de distribution de spiruline, provenant du Burkina, auprès des enfants, des femmes enceintes et allaitantes ont également eu lieu, en République du Congo (Brazzaville) dans plusieurs Centres de santé soutenus par l'ONG française ASLAV (ASsociation de L’Amour Vivant) et répartis sur le territoire congolais et, en Haïti dans un orphelinat situé près des Cayes. La spiruline, dont on découvre en plus de nombreuses qualités thérapeutiques, a un bel avenir également dans les PED.
Quel avenir pour la spiruline ?
Bien que l'expérience ait montré la pertinence de la spiruline dans la lutte contre la malnutrition et que la FAO considère celle-ci comme l'aliment du XXIème siècle, son emploi reste limité tant que l'OMS ne l'a pas reconnu en tant que complément santé.
Pourtant, nombreux sont ceux qui trouvent aussi des propriétés thérapeutiques prometteuses à la spiruline:
Dès 2003, le ministère de la santé burkinabé a convaincu le gouvernement de ce pays de l'intérêt de la spiruline pour lutter contre les effets désastreux du VIH/SIDA sur les défenses immunitaires des personnes vivant avec celui-ci. C'est ainsi que ce ministère a financé la réalisation par TechnAp de la ferme de Nayalgué avec notamment pour but de:
- Améliorer l'efficacité de la prise en charge des malnutris graves par l'introduction de la spiruline dans le protocole de récupération nutritionnelle,
- Utiliser la spiruline comme complément de la prise en charge des personnes vivant avec le VIH/SIDA en vue de ralentir la dégradation de leur état général,
- Utiliser la spiruline chez les femmes enceintes séropositives comme moyen de réduction du risque de transmission mère enfant du VIH,
- Développer une forme appropriée d'utilisation de la spiruline adaptée aux différents groupes cibles,
Les objectifs quantitatifs suivants avaient été fixés pour cette ferme:
- ◦7 200 kg de spiruline produite par an,
- ◦16 600 enfants dénutris traités à la spiruline par an,
- ◦2 000 personnes vivant avec le VIH/SIDA traitées à la spiruline par an,
- ◦44 000 personnes désireuses d'améliorer leur état de santé consomment de la spiruline par an.
L'accent a tellement été porté sur l'intérêt de la spiruline pour les porteurs de VIH/SIDA, grâce aux campagnes de promotion effectuées dans le pays, qu'au début des années 2010 la spiruline était trop souvent considérée par la population du Burkina Faso comme un «médicament» réservé aux sidéens. Elle n’avait donc pas bonne presse.
Il fallait faire quelque chose pour donner envie aux personnes dénutries ou désireuses d'améliorer leur santé d’en consommer.
Dans ce but TechnAp, aidé d'un Volontaire Solidarité Internationale (VSI) a mené une action ambitieuse pendant trois années (2012 à 2015) pour réorienter l'image de la spiruline au Burkina Faso et montrer sa capacité de lutter efficacement contre la malnutrition infantile ainsi que chez les femmes enceintes ou allaitantes et d'améliorer la santé des populations en général.
Aujourd’hui, la spiruline est reconnue aussi bien comme complément santé pour tous que comme moyen très efficace de lutte contre la malnutrition.
De plus actuellement de nombreux spécialistes découvrent encore de nouvelles perspectives à la spiruline qui, associée au traitement de plusieurs pathologies telles que le cancer, donne de réels résultats prometteurs.